Francisco Tropa – Panta Rhei

Vue de l’exposition Francisco Tropa – Panta Rhei
Francisco Tropa, Panta Rhei, 2016, sérigraphie, éléments sérigraphiés découpés repositionnables, cadre en bois, verre, 105 x 77 cm, 109 x 81 x 2,5 cm encadré, unique parmi une série de 20
Vue de l’exposition Francisco Tropa – Panta Rhei
Francisco Tropa, Panta Rhei, 2016, sérigraphie, éléments sérigraphiés découpés repositionnables, cadre en bois, verre, 77 x 105 cm, 81 x 109 x 2,5 cm encadré, unique parmi une série de 20

Intitulées Panta Rhei (en référence à la célèbre formule d’Héraclite signifiant : « tout s’écoule », au sens de « tout passe »), ces sérigraphies appartiennent à une série d’œuvres de Francisco Tropa qui ont pour fondement les thèmes de la mimesis et du jeu. Elles se composent de motifs géométriques sérigraphiés à l’intérieur desquels sont disposés des cartons découpés représentant des pierres. Ces images de pierres peuvent être réagencées librement par simple ouverture du cadre et former ainsi de nouvelles compositions. Elles évoquent d’autres œuvres de l’artiste qui se présentent sous la forme de boites transparentes contenant des galets naturels et leurs répliques en bronze. Galets et moulages en bronze ont vocation à être extraits et disposé librement pour créer des agencements qui ne sont pas sans rappeler des paysages. Un dispositif participatif qui se déploie ici dans des œuvres graphiques.

Miriam Cahn, Eugène Carrière – schreiender säugling

Vue de la vitrine d'exposition de la Galerie Abraham & Wolff à l'occasion de l'exposition Miriam Cahn, Eugène Carrière - schreiender säugling, dialogue entre les deux artistes autour du thème de la maternité
Vue de l’exposition Miriam Cahn, Eugène Carrière – schreiender säugling
Huile sur toile datée de 1903 du peintre français Eugène Carrière représentant un enfant endormi sur sa mère
Eugène Carrière, Enfant endormi sur sa mère, circa 1903, huile sur toile, 40 x 32 cm
Huile sur toile datée de 1904 du peintre français Eugène Carrière représentant une enfant, Nelly Delvolvé, en train de sucer son poing
Eugène Carrière, Portrait de Nelly Delvolvé, circa 1904, huile sur toile, 41 x 33 cm
Extrait d'un diaporama numérique datée de 2014 de l'artiste suisse Miriam Cahn montrant une paire de seins sculptés
Miriam Cahn, schreiender säugling (extrait), 2014, diaporama numérique
Extrait d'un diaporama numérique datée de 2014 de l'artiste suisse Miriam Cahn montrant une tête d'enfant sculptée
Miriam Cahn, schreiender säugling (extrait), 2014, diaporama numérique
Extrait d'un diaporama numérique datée de 2014 de l'artiste suisse Miriam Cahn montrant une tête d'enfant et un sein sculptés
Miriam Cahn, schreiender säugling (extrait), 2014, diaporama numérique

Eugène Carrière (1849 – 1906) est l’un des peintres les plus singuliers de la fin du XIXe siècle. Aux antipodes des artistes et des mouvements qui animent son époque, il explore un registre serré, dépouillé, tant dans les moyens d’expression que dans le choix des sujets. De sa palette restreinte à un camaïeu de teintes brunes, il brosse des compositions sommaires dont les figures, réduites à l’essentiels, sont modelées par des jeux de clair-obscur. Les formes émergent, presque fantomatiques, d’un fond dénué de décor, de détails, loin de toute description, de toute narration. Ce sont quelques paysages, des natures mortes, de nombreux portraits et surtout l’intimité du foyer. Peintre de l’intime par excellence, Carrière a inlassablement saisi sa femme et ses enfants dans des scènes de genre telles ces maternités dont il donne de multiples variations. 

En regard des toiles d’Eugène Carrière, un diaporama digital de Miriam Cahn donne son titre à l’exposition : schreiender säugling [nourrisson qui pleure]. Composé d’images fixes dont le montage constitue un véritable film, le diaporama montre des sculptures dans divers états. Une tête d’enfant, la bouche béante. Des seins. Le rapprochement de ces deux éléments dans un simulacre d’allaitement. Les sculptures portent encore la trace des mains qui les ont façonnées. Mains de l’artiste qui font irruption sur certaines photographies, tantôt en train de modeler les formes, tantôt les écrasant avec le poing. Une gestualité qui, dans la rencontre ambivalente du corps réel et du corps sculpté, crée, bien au-delà du thème apparent d’un enfant prenant le sein, l’équivoque. 

Imre Pán, Une collection historique

Aquarelle de Sonia Delaunay datée de 1913 appartenant à la collection historique d'Imre Pán
Sonia Delaunay, Sans titre, 1913, aquarelle, 27 x 21 cm
Dessin original à l'encre noir de Vassily Kandinsky daté de 1930 appartenant à la collection historique d'Imre Pán
Vassily Kandinsky, Sans titre, 1930, encre de chine, 34,8 x 23 cm
Dessin original à l'encre de chine par Pierre Soulages appartenant à la collection historique d'Imre Pán
Pierre Soulages, Sans titre, 1953, encre de chine, 32,8 x 24,8 cm
Aquarelle en couleurs de Natalia Gontcharova datée de 1910 appartenant à la collection historique d'Imre Pán
Natalia Gontcharova, Sans titre, 1910, aquarelle, 26,8 x 17,2 cm

Critique d’art, commissaire d’exposition, libraire, éditeur d’art et créateur de revues, Imre Pán (1904 – 1972) est l’une des figures majeures de la vie artistique hongroise au XXème siècle. Participant très tôt aux mouvements d’avant-gardes, il fonde avec son frère plusieurs revues auxquelles collaborent de nombreux peintres et artistes hongrois et européens dont Jean Arp. En 1935, Pán ouvre une librairie-galerie qui devient un lieu de rencontre et d’échange privilégié pour l’intelligentsia de Budapest. Après la guerre (durant laquelle il devra vivre caché), Pán y organise pas moins de trente-huit expositions en l’espace de trois ans. Il expose notamment le peintre surréaliste Jacques Doucet et l’artiste néerlandais Corneille. C’est également le lieu de rendez-vous de l’École européenne (dont Pán est l’un des fondateurs), un rassemblement d’intellectuels visant à désenclaver culturellement la Hongrie. Cette effervescence dure jusqu’en 1948, date à laquelle la politique culturelle stalinienne entraine la dissolution de l’École européenne et la fermeture de la librairie.   

En 1957, suite à la répression brutale de l’insurrection de Budapest, Pán choisit de quitter la Hongrie et de s’installer à Paris. Il y retrouve des artistes connus, Doucet, Corneille, ainsi que la diaspora artistique hongroise : Étienne Hajdu, Anton Prinner, Árpád Szenes, Vasarely, Endre Bálint. Il entre également en contact avec des artistes liés aux nouveaux mouvements d’avant-gardes émergeant sur la scène parisienne de la fin des années 1950 et du début des années 1960. En peu de temps, Pán prend activement part au monde de l’art parisien. Au cours des années 60, il organise ainsi en collaboration avec des galeries amies (telles La Main Gauche, La Roue ou Le Point Cardinal) de nombreuses expositions mettant en avant le travail d’artistes aussi divers que Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp, Georges Braque, André Masson, Fernand Léger, Sonia et Robert Delaunay, Max Ernst, Hans Bellmer et Unica Zurn, Natalia Gontcharova et Mikhaïl Larionov, Corneille, Pierre Vasarely, Serge Poliakoff, André Marfaing, Colette Brunschwig, Marcelle Cahn, Roberto Matta ou Margit Anna, pour ne citer que quelques noms. La plupart figurent dans les quelques 150 publications d’art qu’il édita à partir de 1960 et qu’il développa et enrichit jusqu’à sa disparition en 1972. 

Tandis que la Galerie Jocelyn Wolff rend hommage à sa carrière d’éditeur d’art (Imre Pán. Une histoire artistique et éditoriale européenne dans le Paris des années 1960, à partir du 3 mars 2024, commissariat par Marjorie Micucci), Abraham & Wolff met à l’honneur une autre facette de son activité foisonnante : celle du collectionneur. 

Alliant sa fine connaissance des avant-gardes à une très grande sensibilité, Imre Pán a réuni tout au long de sa vie une collection exceptionnelle. Aussi bien à Budapest qu’à Paris, il acquérait des œuvres auprès des galeristes mais aussi des artistes qu’il admirait et dont il aimait visiter les ateliers. Il achetait principalement des œuvres sur papier de petit format, ébauches, esquisses, dessins préparatoires, fasciné par ces œuvres dans lesquelles l’art est en train de se faire.

Qualifié de « collection historique » par Imre Pán lui-même, l’ensemble que nous présentons n’est qu’une partie de sa collection. Il est constitué de 53 œuvres sur papier couvrant une période allant de 1910 à 1968. Deux générations d’artistes s’y côtoient pour former un véritable panorama de la création européenne de la première moitié du XXème siècle et de l’Après-Guerre, toutes tendances confondues. Force est de constater que l’histoire retracée ici par Pán a été, pour l’essentiel, validée par la postérité. 

Avec des œuvres de Natalia Gontcharova, Mikhaïl Larionov, Roger de La Fresnaye, Sonia Delaunay, Albert Gleizes, Otakar Kubín, Suzanne Duchamp, Max Jacob, Leopold Survage, Ossip Zadkine, André Bauchant, Sophie Taeuber-Arp, Bela Kadar, Marcel Gromaire, Léon Tutundjian, André Derain, Pierre Tal Coat, Francis Picabia, Vassily Kandinsky, Maurice Estève, Georges Valmier, Salvador Dalí, Lajos Vajda, Hans Reichel, Yves Tanguy, Gaston Chaissac, Wilfredo Lam, Jean Arp, Christine Boumeester, Max Ernst, Jean Fautrier, Jacques Villon, André Heurtaux, Henri Matisse, Wols, Victor Vasarely, Óscar Domínguez, Auguste Herbin, Corneille, Pierre Soulages, Camille Bryen, Raoul Ubac, Roberto Matta, Henri Michaux, Hans Bellmer, Maria Helena Vieira da Silva, Alberto Giacometti, Asger Jorn et Pablo Picasso.

Jocelyn Wolff et Samy Abraham tiennent à remercier très chaleureusement Sophie Pán qui nous a ouvert les archives et la collection de son père afin de préparer cette exposition.

Gabetti et Isola – Une autre modernité

Vue de l'exposition dédiée au duo d'architectes et designers turinois Roberto Gabetti et Aimaro Isola organisée par la Galerie Abraham & Wolff à l'occasion du salon Maison et Objet de janvier 2023
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, Tapipardo, Tapileo, lampe Bul-Bo et mobilier modulaire conçus pour Olivetti (1967-1971), tabouret pour dessin technique (1951)
Vue de l'exposition dédiée au duo d'architectes et designers turinois Roberto Gabetti et Aimaro Isola organisée par la Galerie Abraham & Wolff à l'occasion du salon Maison et Objet de janvier 2023, l'image montrant un tapipardo réédité par Amini carpets et le mobilier original conçu pour décomplexe d'habitation d'Olivetti à Ivrea
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, lampe Bul-bo, Tapipardo, mobilier modulaire conçus pour Olivetti (1967-1971). 
Vue de l'exposition dédiée au duo d'architectes et designers turinois Roberto Gabetti et Aimaro Isola organisée par la Galerie Abraham & Wolff à l'occasion du salon Maison et Objet de janvier 2023, l'image montrant un tapiorso réédité par Amini carpets et le mobilier original conçu pour décomplexe d'habitation d'Olivetti à Ivrea
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, Tapiorso et mobilier modulaire conçus pour Olivetti (1967-1971).
Vue de la vitrine d'exposition de la Galerie Abraham & Wolff dédiée au duo d'architectes et designers turinois Roberto Gabetti et Aimaro Isola et mettant l'accent sur la création de la Borsa Valori à Turin  à travers des pièces de mobilier originales, des dessins originaux d'Aymara isola et des photos d'archive
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, chaise et fauteuil conçus pour la Borsa Valori de Turin (1953-1956), dessins techniques de Aimaro Isola, lampe Venini.
Réédition par Amini Carpets du Tapipardo de la série Tapizoo conçue par Gabetti et Isola pour Olivetti
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, Tapipardo, 1968 – 1971 pour le complexe Olivetti (Italie, Ivrée), édition Amini Carpets 2022, composition : 80 % laine, 20 % coton, tissage à la main, 250 × 200 cm

Pour notre première exposition de l’année 2024, nous sommes heureux de présenter un ensemble rare et inédit de mobilier et de dessins du duo d’architectes et designers turinois Gabetti et Isola. 

Tournant le dos aux préceptes du modernisme et du style international, Roberto Gabetti (1925-2000) et Aimaro Isola (1928-) se démarquent dès le début des années 50 par une vision originale de l’avant-garde ancrée dans la tradition architecturale italienne et le style art nouveau. À la recherche d’un dialogue harmonieux entre l’édifice et son contexte urbain, leur style se caractérise par des lignes épurées, des formes géométriques audacieuses, le recours à l’ornementation et l’utilisation conjointe de matériaux modernes et traditionnels. Si les deux hommes empruntent par la suite certains traits de l’esthétique techno, ils n’en continuent pas moins à donner une importance fondamentale à la valeur paysagère de leurs projets, veillant à ce que chaque construction fasse corps avec son environnement naturel, à l’aide de matériaux comme le bois et la pierre notamment. 

Parmi leurs réalisations marquantes, on distingue particulièrement la Borsa Valori (Turin, 1956), ainsi que les logements et le mobilier du complexe Talponia (Ivrée, 1971), conçus pour le centre résidentiel Olivetti à Ivrée, qui est aujourd’hui classé par l’UNESCO. 

Première exposition d’envergure consacrée à Gabetti et Isola en France depuis leur rétrospective à l’Institut Français d’Architecture en 1996, Gabetti et Isola – Une autre modernité met l’accent sur ces deux édifices emblématiques à travers une sélection exceptionnelle de leur mobilier respectif. Roberto Gabetti et Aimaro Isola ont en effet pensé leurs projets comme des œuvres totales, imaginant mobilier, lampes, tapis dans le prolongement de leurs principes architecturaux. Reconnues pour leur originalité, leurs créations ont intégré les collections du MoMA à New York, du Centre Pompidou à Paris et du Maxxi à Rome. Abraham & Wolff dévoilera en regard une série jamais montrée d’esquisses préparatoires et de dessins techniques d’Aimaro Isola qui témoignent de l’élaboration de ces pièces.

Jocelyn Wolff et Samy Abraham tiennent à remercier très chaleureusement Aimaro Isola et son fils Hilario qui nous ont ouvert en grand les ressources de leurs archives, de leurs réserves et de leur mémoire afin de préparer cette exposition.

Réédition par Amini Carpets du Tapileo de la série Tapizoo conçue par Gabetti et Isola pour Olivetti
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, Tapileo, 1968 – 1971 pour le complexe Olivetti (Italie, Ivrée), édition Amini Carpets 2022, composition : 80 % laine, 20 % coton, tissage à la main, 250 × 200 cm
Réédition par Amini Carpets du Tapiorso de la série Tapizoo conçue par Gabetti et Isola pour Olivetti
Roberto Gabetti et Aimaro Isola, Tapiorso, 1968 – 1971 pour le complexe Olivetti (Italie, Ivrée), édition Amini Carpets 2022, composition : 80 % laine, 20 % coton, tissage à la main, 250 × 200 cm

Anastasi, Bianchi, Bock, Botella, Boucher Morales, Brunschwig, Cahn, Lamiel, Melsheimer, Nemours, Oberhuber, Perdrix, Prinz Gholam, Tropa, Venini and four angels. 

Vue de l'exposition collective ayant eu lieu en décembre 2023 à la Galerie Abraham & Wolff
Vue de l’exposition montrant de gauche à droite un dessin d’Oswald Oberhuber, un chapiteau roman, une lampe Venini, une sérigraphie d’Elodie Seguin
Chapiteau en pierre représentant quatre anges daté de la fin du XIème siècle provenant de la Galerie Alexandre Piatti
Chapiteau en pierre représentant quatre anges, fin du XIème siècle, Europe, pierre, 31 x 15 cm (avec socle), 19 x 15 cm (sans socle), provenance : Galerie Alexandre Piatti
Sérigraphie sur papier de l'artiste française Elodie Seguin datée de 2022 représentant des formes géométriques
Elodie Seguin, Obstacles_Motif carré, 2022, sérigraphie sur papier, 73 x 73 x 5 cm encacré, unique

Pour cette nouvelle exposition, Abraham & Wolff propose un accrochage évolutif en forme de rétrospective. Un dialogue sans cesse renouvelé entre les artistes ayant marqué notre première année de programmation.

Incluant sculptures et dessins contemporains, éditions, multiples et design italien, cette sélection d’œuvres de William Anastasi, Diego Bianchi, Bruno Botella, Mélissa Boucher Morales, Colette Brunschwig, Miriam Cahn, Aurelie Nemours, Oswald Oberhuber, Jean-Marie Perdrix, Prinz Gholam, Francisco Tropa et Venini est accompagnée d’un exceptionnel chapiteau roman de la fin du XIème siècle provenant de la Galerie Alexandre Piatti. 

L’occasion de remercier aussi les galeristes qui ont rendu possibles nombre des projets qui ont ponctué l’année : la Galerie Compasso à Milan, la Galerie Marcelle Alix à Paris, la Galerie KOW à Berlin.

Mélissa Boucher Morales – Scrolling [faire défiler]

Photographie argentique noir et blanc sous verre diélectrique par Mélissa Boucher représentant une bouche ouverte, réalisée en 2021-2022 et faisant partie du corpus Scrolling [faire défiler]
Mélissa Boucher Morales, Scrolling [faire défiler], 2021-2022, photographie argentique, tirages jets d’encre et verre diélectrique
Photographie argentique noir et blanc sous verre diélectrique par Mélissa Boucher représentant des pieds, réalisée en 2021-2022 et faisant partie du corpus Scrolling [faire défiler]
Mélissa Boucher Morales, Scrolling [faire défiler], 2021-2022, photographie argentique, tirages jets d’encre et verre diélectrique
Photographie argentique noir et blanc sous verre diélectrique par Mélissa Boucher représentant un œil fermé,  réalisée en 2021-2022 et faisant partie du corpus Scrolling [faire défiler]
Mélissa Boucher Morales, Scrolling [faire défiler], 2021-2022, photographie argentique, tirages jets d’encre et verre diélectrique

Mélissa Boucher Morales élabore des projets photographiques, des vidéos et des éditions d’artiste dans lesquels elle explore les possibilités et les limites de l’image, son processus d’apparition et de disparition, à travers des formes et des notions liées à la représentation de l’intime. S’inscrivant dans cette recherche, le projet Scrolling[faire défiler] (2021-2022) est né d’une réflexion de l’artiste sur la production des images et leur altération, mais aussi d’un désir de créer une lecture alternative à la fascination exercée par les contenus pornographiques. Photographiant à l’argentique des vidéos en streaming de cam girls amatrices, du postporn ou de la pornographie féministe, l’artiste a capté des gestes intimes, isolé des fragments de corps, des gestes et des attitudes qui, sans son intervention, seraient restés noyés dans le flux. De ces détails, de ces images cachées dans l’image, l’artiste fait émerger une nouvelle sensualité. Elle les soumet à un traitement de pellicule spécifique qui donne aux modèles une apparence spectrale (à l’opposé des chairs brutalement exposées par la caméra), puis leur superpose une vitre diélectrique – verre dont les qualités réfléchissantes semblent renvoyer le spectateur.rice à son rôle de voyeur.euse – nouvel écran par lequel elle se réapproprie non seulement l’image mais le dispositif de visionnage initial. 

À l’occasion du festival PhotoSaintGermain, qui se tient du 2 au 25 novembre 2023, Abraham & Wolff a le plaisir de mettre à l’honneur le travail de Mélissa Boucher Morales en exposant une sélection d’œuvres issues de Scrolling [faire défiler]. 

Natura Pictrix, hommage à Roger Caillois

Vue de l'exposition Natura Pictrix, hommage à Roger Caillois, montrant dans la vitrine de la galerie Abraham & Wolff des pierres peintes datant du XVIIe siècle, une plaque de paésine, une projection d'agate de l'artiste portugais Francisco Tropa et un frottage de Max Ernst ayant appartenu à Roger Caillois
Vue de l’exposition Natura Pictrix, hommage à Roger Caillois
Peinture à l'huile sur travertin de Filippo Napoletano datant du XVIIe siècle et représentant les anges annonçant la naissance du Messie aux bergers
Filippo Napoletano, cercle de, Les anges annoncent la naissance du Messie aux bergers, XVIIe siècle, huile sur travertin, 29 x 25,5 cm
Peinture à l'huile sur une plaque de paésine représentant une femme et un homme marchant dans un paysage rocailleux
Anonyme, [3 personnages peints sur paésine], huile sur une plaque de paésine, 14,5 x 27,5 x 4 cm encadrée
Peinture à l'huile sur travertin attribuée à un anonyme espagnol, datant du XVIIème siècle, représentant la Vierge Marie et l'Enfant Jésus
Anonyme, [huile espagnole sur travertin représentant la Vierge et l’Enfant], XVIIème siècle, huile sur travertin, 21 x 16 x 0,8 cm
Photographie datée de 2023 réalisée par l'artiste portugais Francisco Tropa obtenue à l'aide d'une lanterne magique projetant une lame d'agate
Francisco Tropa, Agate, 2023, impression jet d’encre sur papier montée sur aluminium, 71,5 x 71,5 x 4 cm encadré

Écrivain, penseur et collectionneur, Roger Caillois (1913-1978) fut l’une des figures les plus originales de la vie intellectuelle française du XXème siècle. Au cours d’une carrière riche et mouvementée, Caillois fut tour à tour proche du Grand Jeu puis des Surréalistes, fondateur du Collège de sociologie aux côtés de Georges Bataille et Michel Leiris, directeur de revue en Argentine, éditeur et traducteur promouvant en France les littératures sud-américaines (il révéla Jorge Luis Borges), puis fonctionnaire à l’Unesco et enfin membre de l’Académie française. 

Élaborée aux carrefours de disciplines multiples, son œuvre foisonnante compte plus d’une trentaine d’ouvrages sur des sujets aussi divers que les mantes religieuses, les mythes, le sacré, les jeux, le rêve, le mimétisme, la guerre, le fantastique ou les pierres. Ce corpus apparemment disparate trouve sa cohérence dans une grande idée qui obsédait Caillois : l’unité du monde. Selon lui, la nature serait tissée d’une seule et même trame qui se manifeste par des analogies cachées entre les phénomènes naturels. Recenser et classer l’ensemble des analogies qui unissent les différents règnes de la nature permettrait de mettre à jour la structure poétique du monde.

C’est en établissant un rapprochement de ce type entre les moirures métalliques d’un minéral, la labradorite, et les iridescences des ailes d’un papillon, le morpho, que Caillois commença à s’intéresser aux pierres. De simple sujet d’étude et de curiosité elles devinrent vite une véritable obsession. Fasciné par le pouvoir d’évocation de certains spécimens dans lesquels l’imagination croit reconnaitre la représentation plus ou moins fidèle d’objets réels, Caillois se mit à réunir les minéraux les plus étranges, les plus graphiques, les plus féconds en simulacres et en symboles, bâtissant une importante collection dont les plus belles pièces sont aujourd’hui exposées dans les musées parisiens. 

Lui qui se méfiait des charmes des beaux-arts et de la littérature, il ne se lassait jamais de contempler ses pierres à images. « Je préfère leurs dessins aux peintures des peintres, leurs formes aux sculptures des sculpteurs, tant elles me paraissent les œuvres d’un artiste moins méritant mais plus infaillible qu’eux. » (in Pierres, Gallimard, 1966) Le déchiffrement des pierres lui inspira ainsi l’une de ses grandes idées. Si l’on ne peut assimiler les minéraux à des œuvres d’art en tant que telles, c’est-à-dire à des créations délibérées, il semble néanmoins que la nature puisse parfois mériter le titre d’artiste et les pierres celui d’œuvres d’art naturelles. Natura pictrix, la nature peintre, comme l’appelait Caillois (in Méduse et Cie, Gallimard, 1960), s’impose alors comme une concurrente redoutable des artistes, ayant précédé avec audace leurs trouvailles d’hier et d’aujourd’hui. 

Cette réflexion originale doit beaucoup à l’étude souvent reprise par Caillois d’une pierre en particulier : la paésine. Les paésines sont des calcaires microcristallins dont les gisements se trouvent en Toscane, dans la région de Florence. Après coupe et polissage, ces pierres laissent apparaitre des motifs qui suggèrent de manière troublante toute une gamme de paysages : villes et villages aux édifices en ruine, panorama de gratte-ciels, falaises sur le littoral, grottes marines, mers déchainées, ciels tourmentés etc. D’où leur nom de marbre-paysage ou marbre-ruine.     

Les paésines suscitèrent l’engouement au XVIe et au XVIIe siècle. Très recherchées, elles ornaient les cabinets de curiosités des Médicis, de Gustave-Adolphe de Suède ou de Rodolphe II de Habsbourg. Elles entraient dans la composition de somptueuses marqueteries de pierre. Les plus saisissantes d’entre elles faisaient même l’objet d’encadrements qui leur conféraient le statut de véritables tableaux. Des tableaux naturels dont les artistes eux-mêmes reconnaissaient la valeur esthétique, pour ne pas dire artistique, au point de troquer parfois la toile pour le minéral. 

Sans doute aidés par des tailleurs de pierre, ils choisissaient les paésines, mais aussi les jaspes, les marbres ou les lapis-lazulis dont les couleurs et les veines se prêteraient le mieux à leur fantaisie et les peuplaient de personnages, d’arbres, d’animaux, d’objets. Des peintres comme Sebastiano del Piombo (1485-1547), Antoine Carrache (1583-1618), Johann König (1586-1642) ou Mathieu Dubus (1590-1665) profitèrent ainsi des décors naturels qui s’offraient à eux pour composer des scènes religieuses et mythologiques dans lesquelles art et nature dialoguent et se confondent. 

Natura Pictrix rend hommage au penseur original et au grand collectionneur que fut Caillois ainsi qu’à cette tradition de la peinture sur pierre qu’il a si bien mise en lumière. L’exposition réunit un choix de pierres peintes anonymes datant du XVIIe siècle, des paésines exceptionnelles, mais aussi un frottage de Max Ernst ayant appartenu à Caillois. C’est aussi l’occasion d’une rencontre entre création historique et art contemporain, avec des œuvres inédites du sculpteur Francisco Tropa, chez qui les lames d’agate occupent une place particulière. 

Prinz Gholam – There are Eyes

Vue de l'exposition There are Eyes de Prinz Gholam montrant des sculptures faites de pierres, des masques dessinés aux crayons de couleur et un extrait vidéo de performance
Vue de l’exposition There are Eyes de Prinz Gholam
Vue de l'exposition There are Eyes de Prinz Gholam montrant des sculptures faites de pierres, un masque dessiné aux crayons de couleur et un extrait vidéo de la performance intitulée There are Eyes
Diffusion de la performance intitulée There are Eyes (Prinz Gholam, There are Eyes, 2022, vidéo HD mp4 avec son, 43 min 12 s)
Vue de l'exposition There are Eyes de Prinz Gholam montrant des dessins performatifs réalisés au crayon de couleur
Vue de l’exposition There are Eyes de Prinz Gholam
Dessin performatif du duo Prinz Gholam réalisé au crayon de couleur représentant plusieurs personnages assumant des poses diverses
Prinz Gholam, Pavilion of Wild Pinks, 2021, crayons de couleur sur toile, 215 x 345 cm, signé et daté, unique
Sculptures en pierres collées représentant des visages réalisées par le duo d'artistes Prinz Gholam
Prinz Gholam, Pair, 2021, pierres et colle, 2 éléments, l’ensemble : ca 13 x 53 cm, unique
Masque performatif dessiné au crayon de couleur par le duo d'artistes Prinz Gholam
Prinz Gholam, Blue Hair, 2022, crayons de couleur sur papier, ruban élastique, ca 26 x 26 cm, unique

Formé de Wolgang Prinz (né en 1969) et de Michel Gholam (né en 1963), le duo Prinz Gholam a développé au cours des 20 dernières années une pratique de la performance dans laquelle les deux artistes utilisent leur corps pour réinterpréter des références culturelles très diverses allant de la peinture ancienne à la sculpture en passant par l’art contemporain, le cinéma ou les images médiatiques. Ces stéréotypes culturels, les deux hommes les intériorisent et les incarnent à travers des chorégraphies précises durant lesquelles ils exécutent une succession de poses soigneusement choisies, se déplaçant telles des sculptures vivantes. 

Lente et fluide, donnant à sentir le passage du temps, leur gestuelle ne cherche pas à approcher l’esthétisme d’une chorégraphie dansée. Dans leur alternance entre mouvement et moment de pose, les corps des deux artistes deviennent en effet moins le véhicule d’une émotion que d’une histoire, celle de la représentation du corps. En réinterprétant les images qui composent cette histoire, le duo montre comment nos corps et nos gestes – et avec eux notre identité – sont façonnés par l’assimilation d’un canon culturel dominant.

Chacune des performances de Prinz Gholam s’accompagne d’un processus intense de création de matériel visuel et d’éléments performatifs (vidéos, photographies, objets, installations) au sein duquel la pratique du dessin occupe aujourd’hui une place importante. Les deux artistes conçoivent le dessin comme un champ d’expérimentation dans lequel ils peuvent imaginer et projeter spontanément les gestes, les postures ou les accessoires qui feront partie de leur chorégraphie, ainsi que la manière dont ils entreront en relation. Sur de grands formats réalisés au crayon de couleur, ils mettent ainsi en scène une multitude de figures qui évoluent parfois dans une représentation de l’espace-même où aura lieu la performance. Une constellation de corps en liberté qui annonce la tonalité de cette dernière tout en préfigurant par l’image son processus de réactualisation de l’histoire.

Pour cette nouvelle exposition intitulée There are Eyes, Abraham & Wolff a le plaisir d’exposer des dessins de grand format réalisés à l’occasion de deux performances, L’esprit de notre temps (Mattatoio, Rome, 2021) et Similitude (Punta della Dogana, Venise, 2018), mais aussi une série de masques en papier et de visages composés d’assemblages de pierres qui témoignent de leur pratique multidisciplinaire. Récemment apparus dans le travail de Prinz Gholam, ces objets chargés historiquement et symboliquement que sont les masques sont venus accentuer le hiératisme et la théâtralité de leurs chorégraphies tout en approfondissant leur réflexion sur l’identité. Une recherche à laquelle semblent faire écho ces groupes de visages que les artistes réalisent à l’aide de pierre qu’ils glanent aux quatre coins du monde depuis plusieurs années. La projection vidéo de plusieurs extraits de performances permet au visiteur d’appréhender la relation complexe qu’entretiennent ces différents éléments.

Katinka Bock

Vue de l'exposition Katinka Bock qui montre un ensemble d'œuvres inédites dont des céramiques dans la vitrine de la Galerie Abraham & Wolff
Vue de l’exposition Katinka Bock
Ensemble inédit de sculptures de l'artiste Katinka Bock datant de 2023 exposée dans la vitrine de la Galerie Abraham & Wolff
Vue de l’exposition Katinka Bock
Sculpture en céramique émaillée verte de l'artiste Katinka Bock réalisée en 2023
Katinka Bock, I’m your man, 2023, céramique émaillée, 60 x 9 x 5 cm, unique
Oeuvre datant de 2023 de l'artiste Katinka Bock composée d'une toile bleue insolée, de trois moulages en bronze de noyaux d'abricot et d'une poignée en céramique.
Katinka Bock, Der blaue Sonnenstich, 2023, toile, céramique, bronze, 5 éléments : 80,5 x 130,5 cm, unique
Sculpture datant de 2023 de l'artiste Katinka Bock composée de deux pièces en céramique blanche imbriquées l'une dans l'autre
Katinka Bock, Pavillon (Reunification), 2023, céramique, 31 x 14 x 13 cm, unique

Abraham & Wolff est heureux de consacrer cette nouvelle exposition à l’œuvre de Katinka Bock. L’artiste nous a confié pour cette occasion une sélection de pièces tout droit sorties de son atelier qui comprend des monotypes et de petites sculptures. Elles sont montrées dans une scénographie qu’elle a spécialement élaborée pour notre espace.

On peut saisir à travers cet ensemble inédit l’essentiel des gestes clés et des thèmes qui caractérisent la pratique de l’artiste. Trois sculptures en terre brune marquées par une empreinte évoquant des écailles témoignent non seulement de l’intérêt de Katinka Bock pour les formes pliées et plissées mais aussi de l’attention particulière qu’elle accorde aux traces, motif récurrent qui traverse aussi bien son travail de sculpture que ses photographies ou ses monotypes. I’m your man, une pièce en céramique émaillée verte pensée pour venir souligner la limite du pan de mur auquel elle est accrochée, s’inscrit dans les recherches de l’artiste sur les notions de frontière et de seuil compris comme lieux de communication entre l’intérieur et l’extérieur des espaces où sont exposées ses œuvres. Autre source de réflexion importante, l’exploration de la séparation et du lien entre les corps semble inspirer une pièce composée de deux céramiques blanches emboitées l’une dans l’autre intitulée Pavillon (Réunification). Particulièrement sensible aux problématiques spatiales et temporelles, il arrive que Katinka Bock expose certaines de ses créations à des processus d’altération naturels, laissant le temps et l’environnement extérieur affecter l’œuvre, comme avec cette toile bleue fixée sur un châssis après avoir été insolée à certains endroits. Sur le bord supérieur du châssis sont disposés trois répliques en bronze de noyaux d’abricots qui rappellent d’autres moulages d’objets réels réalisés par l’artiste : poissons, cactus ou noyaux de cerises. 

Katinka Bock, Bruno Botella, Miriam Cahn

Vue de l'exposition Katinka Bock, Bruno Botella, Miriam Cahn ayant été :montrée à la Galerie Abraham & Wolff au mois de juin 2023
Vue de l’exposition
Sculpture en bois, céramique et métal de l'artiste Katinka Bock
Katinka Bock, C’est la taille qui compte, 2023, bois, céramique, métal, 3 éléments 62 x 12 x 17 cm
Dessin au crayon et aux pigments de l'artiste suisse Miriam Cahn
Miriam Cahn, o.t., 24.1.94, crayon et pigments sur papier, 26 x 36 cm
Dessin au pinceau à calligraphie de l'artiste français Bruno Botella représentant un motif inattendu et étrange comme une hallucination
Bruno Botella, Sans titre, 2021, pinceau à calligraphie, 25,5 x 36 cm

Pour ce nouvel accrochage, Abraham & Wolff est heureux d’exposer une sélection de dessins de Miriam Cahn et de Bruno Botella ainsi que quatre sculptures inédites de Katinka Bock.

Inspirée par les luttes féministes et contestataires, l’œuvre de Miriam Cahn puise son énergie dans la colère et l’indignation ressenties face à la violence et aux injustices. Tout comme sa peinture, ses dessins sont hantés par des thèmes comme le sexe, le pouvoir et la guerre. La représentation du corps conçu comme lieu d’exercice du pouvoir y occupe une place centrale. 

Les dessins de Bruno Botella prolongent les expérimentations plastiques et sensorielles à travers lesquelles l’artiste a tenté de prendre l’empreinte d’une activité psychique dans un objet sculpté. L’artiste y laisse aller le plus librement possible son pinceau à calligraphie afin de faire émerger, selon ses propres mots, une « image inattendue et étrange comme une hallucination ».

Qu’elles soient faites en céramique, en bois, en bronze ou en métal, les sculptures de Katinka Bock résultent souvent de gestes simples, directement lisibles dans leur forme : pliage, pression, chute, impression, enroulement, mise en équilibre. La sculpture intitulée C’est la taille qui compte est composée d’un morceau de bois taillé et façonné dont l’un des côtés tient en équilibre sur une tige en métal. À cette extrémité le bois présente un creux dans lequel vient se nicher une forme céramique blanche repliée.